Coquille, la peluche porte-clé aventurière

Une vie suspendue à un sac à dos

Je ne suis pas grande. Pas douce comme ces ours en peluche ronds et dodus qu’on serre contre soi la nuit. Non, moi je suis une peluche porte-clé. Petite, avec des coutures un peu lâches, le tissu râpé, et un air de survivante. On m’appelle Coquille, et oui… je suis un escargot. Un escargot qui a voyagé plus que la plupart des gens que je connais. Drôle, non ? Un escargot qui voit le monde avant même d’avoir fini de traverser le trottoir !

J’ai passé ma vie suspendue à un sac à dos. Et pas n’importe lequel : celui d’un humain toujours en vadrouille. J’ai traversé des aéroports bondés, pris des trains qui sentaient la friture froide, affronté des averses tropicales et même un trek dans la boue. J’ai vu des couchers de soleil sur la mer, j’ai frôlé les sommets enneigés, j’ai entendu des chansons qu’on crie à pleins poumons dans des langues que je ne comprenais pas. Et le meilleur dans tout ça ? Je suis un escargot. Un escargot ! Alors si vous me voyez avancer lentement sur votre étagère, rappelez-vous que j’ai déjà fait le tour de la planète. Oui, moi, Coquille, le petit escargot qui fait honte à tous les pigeons voyageurs.

Bref, j’ai vu le monde.

La chute sur l’étagère

Aujourd’hui pourtant, ma gloire passée est bien cachée sous une couche de poussière. Mon tissu est taché, mes couleurs ont pâli, et ma peluche intérieure a la consistance d’une vieille éponge oubliée. Mon humain m’a décroché de son sac et m’a posé sur une étagère, entre un lapin tout neuf et un gros ours moelleux.

— « Hahaha ! Regarde-la, la loque ! » ricane le lapin, encore brillant comme au premier jour.
— « On dirait une vieille chaussette ! » renchérit l’ours en gonflant son ventre rond.

Je me tais. Je sais que je n’ai pas leur allure impeccable. Mais eux, ils n’ont jamais connu l’odeur du vent chaud sur les routes poussiéreuses, ni senti la secousse d’un bus cabossé dans la nuit. Ils n’ont pas été trempés jusqu’aux coutures par un orage, ni séchés maladroitement au soleil. Et puis, avouons-le, combien de peluches escargots peuvent se vanter d’avoir voyagé plus vite que la moyenne d’un TGV ? Pas eux, c’est sûr.

Une peluche pleine de souvenirs

Alors, quand un soir, l’humain entre dans la chambre et me prend doucement dans sa main, tout change. Ses yeux brillent un peu. Il me tourne, me caresse, et je l’entends murmurer :
— « Toi, tu étais là. Tu étais toujours là. »

L’ours et le lapin se taisent aussitôt. Parce qu’à cet instant, ils comprennent. Moi, Coquille, la peluche usée, je ne suis pas un déchet. Je suis une mémoire vivante. J’ai vu son rire au bout du monde, j’ai essuyé ses larmes dans des gares désertes, j’ai été témoin de ses aventures folles et de ses instants de solitude. Et franchement, entre nous, être un escargot qui a vu la planète entière, c’est pas donné à n’importe qu’elle peluche.

La preuve que j’ai vécu

Je suis le carnet de voyage qui ne se déchire pas, le petit témoin silencieux qui ne juge jamais. Alors oui, je suis sale, un peu tordue, un peu cabossée. Mais je suis aussi la preuve que j’ai vraiment vécu. Et je le porte avec fierté, même si parfois j’entends le lapin marmonner : « Je savais pas qu’un escargot pouvait avoir plus de Km que moi ! »

Et dans le fond, entre nous, ça les fait rêver, le lapin et l’ours tout propres. Je les ai surpris la nuit dernière : ils se penchaient vers moi, et l’ours m’a chuchoté, presque jaloux :
— « Dis… c’était comment, la mer ? »

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